Une histoire du hip hop: la naissance du hip hop dans le Grand Nord

EPISODE 2

Dans le premier épisode Mr Tribalat nous racontait son expérience au centre d’animateur de la jeunesse à Roubaix, sa rencontre avec un jeune en prison voulant trouver un travail pour sortir de prison et qui dansait le funk, la mise en place d’un local pour que des jeunes roubaisiens viennent faire la fête et surtout s’entraîner à danser à travers des battles. Il nous disait aussi que Michael Jackson et son clip Thriller, l’émission de Sydney (« H.I.P H.O.P ») se passant à Roubaix, le spectacle d’Alfonso Cata au Ballet du Nord et les auditions pour y participer, ont contribué à la naissance du hip hop à dans le Grand Nord. Voyons maintenant ce que Frédéric Tribalat souhaite nous raconter dans la suite de son interview.
  Mr Tribalat:  Moi j’ai vu tout ça, j’ai assisté à tout ça. J’avais encore rien fait mais j’ai vu et je commençais à comprendre , à travers mon centre d’animation jeunesse ce qui était en jeu. Le centre d’animation jeunesse s’arrête et je vais faire animateur dans les centres municipaux avec des gamins plus jeunes et avec des types avec qui on avait fait le centre d’animation jeunesse. Et on trichait, les centres avaient fixé une limite de 12 ans. Nous on considérait que c’était une aberration sans nom, car le problème venait surtout des jeunes au-delà de douze ans, ceux qui avaient treize, quatorze, quinze. Quand ils faisaient pas trop vieux et qu’il n’avaient pas trop de moustache, on trafiquait, on disait « mens-nous », « mens-nous », « mens-nous sur ton âge ». Et un jour le directeur général qui vient et dit qu’un des jeunes fait vieux et je lui réponds que la puberté démarre jeune chez les méditerranéens (rire). Il se trouve qu’en faisant ça, pendant ces 2-3 ans, des gamins ont appris des trucs par eux-mêmes et là ça s’est propagé. Y avait rien d’organisé encore. Un jour on se dit « tiens on va faire un spectacle », on a crée un projet intitulé « Un vrai spectacle avec des vrais moyens » et on avait une salle là-bas au centre aéré, au parc des sports, on l’a équipé, j’ai trouvé de l’argent pour mettre des projos, des sonos avec des retours etc. Il y avait 4 000 gamins, j’avais dit aux animateurs vous faites une sélection sur tous les quartiers pour qu’on puisse monter le spectacle et pour qu’on puisse le présenter aux 4 000 autres gamins. Là on se retrouve avec 200 gamins et à un moment, 7-8 d’entre eux viennent me voir et me disent « viens on va te montrer quelque chose », et je vais dans la salle de spectacle et j’assiste à un truc qui techniquement était hyper bon, ils faisaient des trucs que même moi aujourd’hui je vois plus trop faire. Ils avaient que 12 ans !!!! On était pas loin du ticking , ils dansaient sur du Madonna, et la musique de la pub « Perrier c’est fou ». Après je me suis dit, une fois le projet fini c’est vraiment dommage on va lâcher tout ça dans la nature, c’est idiot. On va prendre les deux cent, on va en faire une sélection et on va en garder une douzaine. Et ce fut le noyau de base de Dans la rue la Danse avec un instit, un animateur et ce fut le démarrage de cette structure. Donc pour organiser cette sélection, on s’était mis d’accord qu’il devait y avoir une sélection basée sur le critère du talent. Il fallait une sélection car sinon on ouvrait une structure avec 3000 jeunes et on aurait jamais eu les fonds suffisants.
Mais une fois que tu te retrouves avec ce noyau de douze dont les jeunes sont hyper doués, on s’est dit qu’il faut faire en sorte de les prendre en charge quelque part dans un lieu car ils m »appelaient et me disaient « Fred viens ce soir », ils étaient tous dehors le soir et ils avaient 13-14 ans, ils étaient dehors jusqu’à pas d’heure et étaient dans des endroits comme ça où il faisaient leur show dans la rue. C’est d’ailleurs pour ça qu’on appelait l’association « Dans la rue la danse ». Ils disaient « viens voir Fred on en a trouvé un autre », parce qu’en dehors du fait qu’on avait ce groupe de douze, eux ils continuaient à chercher d’autres danseurs, du coup le soir je partais avec un collègue et avec un post on les rejoignait et on attendait que leurs trouvailles arrivent. Puis ils venaient, t’avais 3 jeunes qui arrivaient , faisaient leur show et je disais « Ouais ils sont très bons, on va les prendre aussi » et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on se retrouve à être une vingtaine. On a ensuite trouvé une salle après il fallait trouver quelqu’un pour les encadrer, car le problème de fond était que des professionnels de la danse hip hop à l’époque il y en avait pas. Du coup je me suis tourné vers des mecs de jazz, funk mais des mecs plus habitués à faire danser les mémés dans les salles de mise en forme qu’à prendre des jeunes en charge comme ça d’autant plus que c’était chaud, ils étaient difficiles à gérer, très compliqués, bagarres de saloon et tout. Des fois j’ai déjà eu 20 gamins en train de se taper dessus devant le prof et lui me regarder. Du coup moi je rentrais dans les 20 avec une chaise, je m’en suis pris tu sais, j’ai dû mettre des tartes, un petit me lâchait « ah va te faire voir », et BAM une tarte. Ils me disaient « on va t’attendre à la sortie », je répondais « attends ? Tu vas m’attendre à la sortie toi ? » , « Ouais mais on va être à plusieurs tu vas voir », je disais « ouais allez danse c’est mieux ».
Et donc j’ai fait venir un intervenant jazz, funk qui était complètement en décalage avec eux. Il était pas bon, mais ce qui était intéressant c’est qu’il leur a donné la discipline d’un cours compté sur la musique à ces jeunes garçons (90% étaient des garçons, dont 10% de filles qui faisaient garçon manqué) , on leur a appris l’échauffement, olala qu’est-ce que j’ai eu du mal à les obliger à s’échauffer mais j’ai bagarré pendant plusieurs années et on a réussi. Donc il les a cadré sur ça au moins, c’était une bonne chose mais du point de vue technique ils étaient dix fois plus forts que lui, donc au bout d’un an le mec me dit « j’arrête ». Et là on se retrouve avec les 20, seuls.
On a commencé tout de suite à faire des spectacles car j’ai vite compris que tu fais pas des cours de danse pour des cours de danse avec des mecs comme ça, ce sont des types qui ont besoin de se valoriser quelque part, tu viens d’un quartier pourri, pour certains c’était la vraie misère, qui étaient en échec partout, sauf là. Le seul endroit où ils étaient applaudis, valorisés c’était là, quand ils dansaient. Alors on s’est dit allons-y faisons des spectacles. Sauf que nous on s’est pas rendus compte deux secondes qu’on allait se retrouver dans une situation où les gens seraient surpris, impressionnés par des jeunes qui en voulaient sur la scène, qui faisaient des trucs de dingue comparé à ce que les gens pouvaient voir à la kermesse avec leurs enfants qui faisaient des toutes petites danses.

A suivre…

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