ITW BKL – Lord Esperanza, Petit Prince Dans Ta Ville

Entre le dire et le faire, il n’y a qu’un pas. Mais c’est généralement ce pas qui détermine tout. Là où beaucoup parlent mais n’agissent que très peu, Lord Esperanza a choisi de joindre la parole à l’acte autant que faire se peut. Un exemple ? En seulement 4 mois, il est passé d’une idée ambitieuse mais prometteuse à la concrétisation complète du projet Dans Ta Ville. De quoi s’agit-il ? Pas moins que de sortir un clip chaque jour pendant 9 jours pour 9 villes différentes… Alors quand, lors d’une interview à l’occasion de son concert à Roubaix, BKL lui demande comment il procède, la réponse est claire et sans détour.
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Entretien avec un artiste pour qui l’égotrip est avant tout un moyen de s’auto-motiver et de réaliser ses rêves.

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Travaille tous les jours. Si t’as vraiment envie d’en faire ton métier ou un truc un peu sérieux, travaille tous les jours. Et pour le rap en lui-même, sois sincère, écoute ton émotion et laisse parler ton coeur.
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Grégoire : T’es en train de défendre ton album Polaroïd (sorti en octobre dernier) dans toute la France, comment se passe ta tournée, et comment s’est passée ta date à Roubaix ?

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Lord Esperanza : La tournée se passe excellemment bien ! Roubaix c’était super, c’était complet, on est très contents d’avoir pu faire cette belle scène [La Cave aux Poètes, NDLR], et on espère revenir bientôt dans une salle plus grande.
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G : T’as bien aimé la salle ?

LE : Ouais ! T’es assez proche du public. Le seul élément un peu relou, c’est la hauteur sous plafond….

G : Et du coup, tu disais que tu reviens au Flow en octobre ?.

LE : Je disais que j’aimerais bien revenir au Flow en octobre, ouais.

G : T’aimerais bien, donc c’est pas sûr ?

LE : Non, rien n’est fait. Mais tu sais, pour que quelque chose se fasse, il suffit de le dire et de travailler dur pour l’obtenir.

G : Tant qu’on parle de Lille, pourquoi avoir fait le choix de cliper « Etna » – avec Lux – à la Gare St Sauveur ?

LE : Il y a vécu 5 ans, il était à la Catho, et du coup il est descendu pour faire 2 clips à Paris, et je suis monté pour faire 2 clips à Lille.

G : Deux clips ? C’était quoi l’autre ?

LE : Un clip qui s’appelait « Trap Hou$e », dans un appartement, donc on voit pas que c’est à Lille. Et tout ça a été enlevé des différentes chaînes YouTube y a bien longtemps…

G : En parlant de clips, ton dernier en date, pour le titre « Anna », est très recherché visuellement, y a des plans vraiment cinématographiques. Quel est le rôle que tu joues pour tes clips, en amont comme en aval ? (écriture, tournage…)

LE : Ça dépend des clips, mais la plupart du temps je suis co-auteur du scénario, on réfléchit ensemble pour trouver les meilleures solutions, et sur le tournage j’ai plein d’idées aussi. C’est un rôle fondamental pour moi, j’aime beaucoup ça, et c’est très important de pouvoir s’y donner accès, et surtout de pouvoir interférer là-dedans, parce que ça reste mon image.

G : Ça se voit que le cinéma t’influence beaucoup, dans ta musique comme dans tes clips : c’est quoi tes grands noms, tes films/séries/réalisateurs de référence ?

LE : En séries, en ce moment, je dirais Black Mirror, Twin Peaks, j’ai aussi beaucoup aimé The Lost, la série Sherlock. Et sinon les films, bah ceux de Kubrick, Nolan, Tarantino, Ridley Scott, Scorsese, pour ne citer qu’eux.
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G : Autrement, et musicalement, comment vous taffez avec Majeur-Mineur ? [son producteur ‘attitré’, NDLR] Plutôt chacun de vôtre côté ou ensemble ? Il fait des prods qui t’inspirent et t’écris dessus ou c’est plutôt l’inverse ?
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LE : C’est un peu des deux. Souvent, lui m’envoie des prods et j’écris dessus, parfois je lui passe des commandes aussi. Mais assez étrangement, on a fait peu de morceaux lui et moi, dans un studio. Mais là on est en train de faire de plus en plus de séminaires de travail pour vraiment être à la création ensemble. Le seul morceau qu’on a vraiment fait ensemble, que tous les deux, c’était « Drapeau Noir » [sur son EP du même nom sorti en 2016, NDLR].
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G : En parlant de production, t’as co-produit plusieurs de tes sons, mais jamais un entièrement. Est-ce que c’est quelque chose qui t’intéresse, que tu penses que tu pourrais faire ?
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LE : Ça viendra, mais j’ai pas encore vraiment le temps, parce que j’écris beaucoup. Et la prod c’est pas mon domaine de prédilection, et je travaille avec des gens tellement talentueux que j’ai un tel retard à rattraper, et pour l’instant… [rires]
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G : T’as en tête un beatmaker avec lequel t’aimerais collaborer ?
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LE : C’est une bonne question… Je crois que j’aimerais bien bosser avec deux français, Ikaz Boi (il a produit Damso, entre autres) ou Stwo (Drake, Lomepal, Nekfeu…).
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G : Et un rappeur ?
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LE : Kendrick Lamar [lâché de manière rapide et très sérieuse].
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G : [rires] Tu mets la barre haute ! Après pourquoi pas, y a déjà eu des feats entre Américains et Français qui étaient un peu inattendus. Et est-ce que ça te ferait plaisir un feat avec Nekfeu ?
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LE : Oui, bien sûr.
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G : Dans tes interviews et en général, on te compare souvent à lui, on dit que tu serais d’une certaine manière son héritier. Est-ce que ça t’énerve quand on te dit ça ou t’es plutôt flatté ?
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LE : C’est pas si fréquent que ça en fait ! Ça s’est fait une fois dans ce média généraliste qu’est Le Parisien, y a quasiment un an maintenant. Et si c’était le seul moyen qu’il avait pour pouvoir parler de moi, ça me dérange pas. En tout cas, ça m’énerve pas du tout puisque c’est bien loin d’être assez récurrent pour que ça devienne un problème, et en soi, ma musique est quand même très différente de la sienne. Donc c’est plus un honneur en vrai, puisque c’est un mec qui a quand même marqué toute une génération, et qui est très bon, donc au contraire. Franchement, c’est un de mes exemples.
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Je pense que c’est qu’une ouverture sur quelque chose de plus grand. Et pour moi, laisser une trace, et être acteur pour le progrès de l’humanité, ça passe pas par faire la promo de sa musique et de son ego pour être dans Les Inrocks, tu vois. Je sais que c’est une porte d’entrée, et j’aimerais bien aller plus loin, j’aimerais bien essayer d’autres trucs.

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G : Autrement, on voulait aborder la question du succès. Comment tu le vis ? Est-ce que ça impacte ta vie et tes relations avec tes proches ou pas trop encore ?
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LE : Pour l’instant, non. Après je pense que c’est ‘toi’ qui est acteur de ça, si t’as envie que ça n’interfère pas, tu peux réussir à conserver ça. J’essaie de pas le prendre en compte, comme si c’était un peu normal, pour rester la tête sur les épaules. Ok, il se passe ça, mais ça reste que des chiffres sur Internet. Ok, on fait des concerts, c’est super, mais ça reste juste des gens touchés par ce que j’écris, et y a pas de rapport de différence entre l’artiste et le fan, c’est deux êtres humains qui sont entrés en communion et qui partagent un bon truc. Je vois ça d’une manière assez simple, finalement.
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G : Tu parles du contact avec ton public, t’es plutôt scène ou studio ?
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LE : Les deux. Mais franchement, un peu plus scène quand même, j’adore ça.
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G : C’était comment ton premier vrai concert ?
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LE : C’était au Batofar [en février 2017, NDLR], en première partie du High Five Crew [collectif francilien composé des rappeurs Eden Dillinger, Assassam, LecHad et Spider ZED, NDLR]. C’était super, un très bon moment. Après sinon, y a tous les open mics, tous les concerts comme ça, mais les gens viennent pas vraiment pour toi. Sinon après y a eu un truc un peu plus tard, là c’était vraiment un concert solo, on avait fait complet, c’était pour « Drapeau Noir », dans une espèce de petite salle. Puis après y a eu pas mal de concerts, en première partie de Keith Ape [figure phare du rap sud-coréen, NDLR], y a eu la première partie de Romeo Elvis, et puis après y a eu La Boule Noire, et là y a la Gaïté Lyrique, le 22 juin prochain.
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G : T’y as peut être jamais réfléchi, mais si t’avais le choix, t’aimerais la faire où ta dernière date ?
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LE : [réfléchit longuement] Sur la lune.
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G : [rires] Je m’attendais tellement à une réponse comme ça. En parlant de dernière date, on sait que ça fait pas longtemps que t’es dans le rap et que t’es encore très jeune [il a 21 ans, NDLR], mais est-ce que t’envisages ou penses qu’il y aura un ‘après-rap’ pour toi ?
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LE : Ouais, carrément. Je pense que c’est qu’une ouverture sur quelque chose de plus grand. Et pour moi, laisser une trace, et être acteur pour le progrès de l’humanité, ça passe pas par faire la promo de sa musique et de son ego pour être dans Les Inrocks, tu vois. Je sais que c’est une porte d’entrée, et j’aimerais bien aller plus loin, j’aimerais bien essayer d’autres trucs.
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G : Ça te plairait d’être acteur ?
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LE : Ouais, déjà ça ça pourrait être cool. Et je kifferais bien faire d’autres choses, même écrire, sous d’autres formes. On verra ce que le temps nous dit…

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J’en ai fait, j’ai fait de la communication. Mais le rap est devenu mon métier, mon travail à plein temps. (à propos des études)

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G : Dans une interview de décembre dernier, t’as dit que t’allais en Inde en janvier. T’y es allé ?
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LE : Ouais, j’y suis allé.
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G : C’était comment ?
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LE : C’était exceptionnel, un très bon moyen de se retrouver seul, avec ses conditions et ses envies, et la spiritualité, l’humanité et son histoire qui nous dépassent. Puis j’ai beaucoup écrit de chansons !
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G : Y a d’autres destinations qui t’ont marqué ?
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LE : Ouais, y a le Cambodge, là je pars en Israël… Je pense qu’on a besoin de beaucoup voyager pour prendre du recul sur tout ce qu’il se passe, pour essayer de ne pas prendre pour acquis tout ce qu’il se passe pour nous, et de continuer à travailler et de se dire que tout peut s’effondrer. Sinon, j’ai eu la chance de pas mal voyager en Europe : Berlin, Londres, Barcelone… y a des villes qui m’ont touchées.
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G : Y a d’autres destinations qui te font envie ?
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LE : Ouais ! Je suis allé au Japon, et j’aimerais bien y retourner, ça fait d’ailleurs partie des pays qui m’ont marqué. Sinon en Papouasie-Nouvelle-Guinée, avec des tribus qui vivent de manière archaïque, ça doit être passionnant. L’Amérique du Sud me tente aussi beaucoup, encore une fois y a un contact avec l’histoire, tu vas dans une des pyramides maya ou inca, tu peux toucher 3 millénaires au bout de tes doigts quoi ! Et c’est ce que je kiffe dans les voyages, tu vois.
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G : Maintenant, une question qui n’a rien à voir, mais il fallait bien que je la place quelque part. Dans « Tutoyer le Ciel », tu dis « Je suis le rappeur préféré du rappeur préféré de ton rappeur préféré », et personnellement, mon rappeur préféré c’est Médine, et le rappeur préféré de Médine c’est Kery James : est-ce que tu penses être le rappeur préféré de Kery James ?
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LE : [rires] Ouais, dans un monde parallèle ! Après tu sais, c’est de l’egotrip, donc il faut pas le prendre au premier degré. Moi même quand je le dis, c’est une blague en fait. Mais en tout cas, les deux rappeurs que t’as cité ont fait partie de mes rappeurs préférés, surtout Médine.
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G : T’as déjà reçu de la force des anciens de ce milieu ?
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LE : Ouais ! Y a quelques mecs très validés et importants dans la scène underground qui m’ont donné de la force, et ça ça fait plaisir. C’est un accomplissement, c’est boucler une boucle, tout simplement.
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G : C’est quoi tes artistes/albums de référence des années 90 en rap français ?
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LE : Je dirais Doc Gynéco et MC Solaar… et Booba/Lunatic, bien sûr. IAM, NTM et tout, j’ai kiffé, mais j’ai moins écouté.
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G : De ce qu’on a pu voir de ton concert, parfois de tes visuels, et même de ton look, y a vraiment du Rock en toi, on a trouvé qu’il y avait même du Metal. Et dans ton tire  « Trap Tears Pt. II », tu dis : « Rockstar comme Metallica », et on voulait savoir si c’était un groupe ou un style de musique que t’as pu écouter plus jeune ou que t’écoutes toujours ?
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LE : J’en ai beaucoup écouté ouais ! Enfin beaucoup… Je me suis un peu intéressé au Heavy Metal en général, après c’est vrai que j’ai quand même plus été touché par les Beatles, les Stones, les Doors, et même les Beach Boys, donc des groupes un peu plus détente. Mais le rap a repris des codes du Metal, y a une énergie que je kiffe et qui m’a beaucoup inspiré pour constituer le personnage que je suis. Puis on dit beaucoup « Rap is the new Rock ’n’ Roll » [phrase prononcée par Kanye West lors d’une interview pour la BBC Radio 1, NDLR], donc indéniablement, ça a influé dans la construction artistique de mon personnage.
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G : Pour le clip de « Silver » et pour ton interview pour Mouv’, t’as choisi Jussieu comme endroit. Et ça a soulevé un questionnement : est-ce que tu fais des études à côté de ton activité de rappeur ou pas du tout ?
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LE : Non, plus maintenant ! J’en ai fait, j’ai fait de la communication. Mais le rap est devenu mon métier, mon travail à plein temps.
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G : Tu disais que quand t’as commencé à rapper, t’accordais trop d’importance à la forme. Du coup on s’est demandés si t’avais des conseils à donner pour des gars ou des meufs qui voudraient commencer à rapper, à 20 ans ?
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LE : Travaille tous les jours. Si t’as vraiment envie d’en faire ton métier ou un truc un peu sérieux, travaille tous les jours. Et pour le rap en lui-même, sois sincère, écoute ton émotion et laisse parler ton coeur.
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G : La dernière question pour la fin : dans ton titre « Noir », tu dis « On se voit dans 3 ans dans Bercy sold out », est-ce que t’y crois ?
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LE : Ah bah oui, bien sûr ! Si j’y crois pas, personne va le faire pour moi ! Tu sais, c’est un moyen de prophétiser un peu. Après, ça fait partie des volontés que j’ai, de donner de l’espoir aux gens. Je sais qu’il y a beaucoup de gens qui me disent que grâce à ma musique, ils écrivent des films, ou ils font des choses qu’ils auraient pas pu envisager de faire, parce que je leur ai donné de l’énergie pour le faire, et ça, ça me touche vraiment, plus que beaucoup d’autres choses, et peut être plus finalement que faire des millions de vues, ou faire un disque d’or. C’est donc la raison pour laquelle je communique beaucoup mes ambitions et mes envies, puisque je pense que la différence entre un rêve et un projet, c’est la date. Tu peux choisir d’être acteur de ton destin. En tout cas, ce qui concerne ta potentialité, ce que toi tu peux faire pour changer les choses, fais-le. Et ce qui est pas en ton pouvoir, tant pis, mais en tout cas t’auras fait ce que toi tu pouvais faire.
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Merci à Grégoire Feron qui a interviewé Lord Esperanza, et à Alternative Live qui a permis à Brook’Lille de le faire et d’assister au concert.
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N’oublie pas que tu as jusqu’à vendredi 19h pour voter sur le site de Lord Esperanza pour le clip Dans ta Ville que tu as préféré entre :
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  • Épisode 1 | Olup Ouh (Toulouse)
  • Épisode 2 | N’importe lequel (Montpellier)
  • Épisode 3 | Mourir sur scène (Strasbourg)
  • Épisode 4 | Petit Prince (Rouen)
  • Épisode 5 | Vide ton chargeur (Grenoble)
  • Épisode 6 | Nenuphar (Lausanne)
  • Épisode 7 | Le même en mieux (Le Havre)
  • Épisode 8 | Acid Banks (Lille)
  • Épisode 9 | Replay (Bordeaux)

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Le meilleure des réalisateurs se verra attribuer un budget pour réaliser un prochain clip du prochain E.P de Lord, let’s go !
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