Marco Ferri, en mobilité à Atlanta, Etats-Unis, se penche sur la réception du nouvel album de Lil Wayne aux Etats-Unis.
Ce vendredi 28 septembre à minuit, heure américaine, Lil Wayne a rompu une attente longue de 7 ans avec la sortie de son nouvel album « The Carter V », 5è opus d’une série qui a marqué l’histoire du rap américain. Si la sortie de ce projet a fait parler en France via les réseaux sociaux, l’attente était d’autant plus grande aux Etats-Unis. Comment les Américains ont-ils accueilli la nouvelle du come-back de Weezy ?
A Atlanta, les amateurs de rap (autrement dit la quasi-totalité des étudiants ici) ont un rapport particulier à Lil Wayne. Ce dernier est originaire de Nouvelle-Orléans, ce qui fait de lui l’un des porte-étendards du rap sudiste à côté de la colonie d’artistes issus d’Atlanta même. Par ailleurs, chacun a l’impression d’avoir grandi avec Lil Wayne dans la mesure où le fondateur de Young Money Records trustait le sommet des charts durant toutes les années 2000. Un sentiment de nostalgie se fait sentir dès lors qu’on aborde le cas Weezy. Ansel, étudiant de 19 ans, le confirme : « Il a bercé notre enfance et c’est pour ça qu’il est respecté par tout le monde ici. Pour moi c’est vraiment l’un des meilleurs toute époque confondue. Il sait tout faire, il s’adapte à tous les styles et il a influencé toute la nouvelle génération…et même la génération d’avant ». En effet, on dépeint souvent Lil Wayne comme le père spirituel d’artistes comme Young Thug, qui lui-même est considéré comme un grand influenceur de la vague actuelle de rappeurs comme Gunna, Lil Baby, Lil Uzi Vert ou Rich the Kid. Weezy est par ailleurs l’homme qui a découvert Drake et Nicki Minaj, aujourd’hui deux têtes d’affiche de la scène non seulement américaine, mais aussi internationale.
Mais au-delà de cette image d’influenceur et de mentor, Lil Wayne est surtout reconnu pour sa musique et les succès tonitruants de sa série d’albums « Tha Carter » dont les numéros III et IV sont considérés comme deux des plus grands classiques de l’histoire du hip-hop. C’est en partie pour cela que la sortie de Carter V était si attendue, d’autant plus que l’artiste l’avait annoncé en 2011, soit 7 ans auparavant. « Perso je m’en fous un peu de Lil Wayne, me confie Anukie, il était chaud quand j’étais en primaire, depuis on l’entend plus. Mais bon on écoutera quand même l’album parce que ça reste une légende. » C’est un sentiment plutôt dominant ici, les gens pensaient, ou ont pensé, que Lil Wayne faisait partie du passé, au regard de son interminable bataille juridique avec son ancien boss Birdman (une bataille de gros sous au sujet du label Cash Money Young Money Records ou, pour résumer, Birdman a arnaqué Lil Wayne pendant des années), les reports répétés de la sortie de Carter V, et ses problèmes personnels. En 2016, il annonce qu’il ne lui reste plus qu’un mois à vivre car il est gravement malade. « Souviens-toi quand il disait qu’il allait mourir et qu’il en avait plus pour longtemps, je pensais que Lil Wayne c’était terminé. Mais c’est pour ça aussi que les gens attendent son album, parce qu’il revient de loin » poursuit Ansel. On perçoit que les fans sont avant tout heureux de voir que Lil Wayne se porte mieux. Il a gagné son procès contre Birdman, semble en bien meilleure santé que quelques mois auparavant, et son public s’en réjouit. La confirmation de la sortie de Carter V est déjà une victoire pour Weezy dans la mesure où il symbolise une forme de renaissance.
Ce jeudi soir, dans un bar de Buckhead, quartier d’Atlanta, où nous arrivons un peu avant minuit, l’atmosphère est spéciale. La plupart des gens parlent de l’album de Lil Wayne et partagent leurs attentes. Minuit passée, l’album est enfin sorti et nous assistons à une scène surréaliste. Une fille se met à l’écart du bruit, téléphone collé à l’oreille, et écoute déjà l’album, disponible sur les plateformes de streaming 5 minutes plus tôt. « J’attendais ça depuis 7 ans, vous vous rendez pas compte ! C’est trop fort, il est très fort, les sons sont dingues. Me parlez plus du week-end, faut que je profite de cet album ». 5 minutes plus tard, le gérant du bar interpelle le DJ, « Passe des sons de Carter V ! ». On entend les premières notes d’un morceau qui m’est personnellement inconnu (évidemment j’ai pas écouté l’album, il est sorti depuis 10 minutes), et lorsque que la voix nasillarde de Weezy se fait entendre, les gens réagissent par des cris de joie.
24h plus tard, l’engouement n’est pas retombé. Au contraire, les premières écoutes de Carter V ont globalement ravi les amateurs de hip-hop. Il faut dire que Lil Wayne a su transformer l’essai avec un projet de 1h30 et un casting des plus prestigieux. On y retrouve entre autres Travis Scott, Kendrick Lamar, Nicki Minaj, Snoop Dogg et même le défunt XXXTentacion sur le poignant « Don’t cry ». Des prods efficaces, un flow toujours aussi impressionnant et polyvalent, on sent que Lil Wayne va mieux, physiquement, psychologiquement, et cela se ressent dans sa musique. Depuis sa sortie, « Carter V » truste la première place du Top Album américain, signe que le retour de Lil Wayne se présente comme un retour gagnant. « Mais mec on se rend pas compte, le son avec Kendrick Lamar, c’est déjà un classique », conclut Ansel, certainement l’un des fans les plus assidus du natif de la Nouvelle-Orléans, et qui aura donc le mot de la fin : « C’est une légende, et il a montré que les légendes ne meurent jamais ».
📝 Marco Ferri