Peu importe l’endroit où vous vous trouvez en ce début de mois de novembre, votre hiver commence à Paris. Il ne fait pourtant pas encore si froid et seul un vent frais semble s’évertuer à nous rappeler que l’année touche à sa fin. Il reste encore un peu de poussière sur l’épaule de quelques parkas sorties des armoires, et selon les prévisions météorologiques la neige n’est pas près de tomber en 2022. Pourtant c’est officiel, l’hiver à bien commencé. Il partira comme une grande vague qui s’abat sur toute la France et pour débuter sa course, il a choisi la Capitale.
Paul Cayre
Si vous ne nous croyez pas, branchez vos écouteurs et lancez le dernier album de Dinos, vous ne tarderez pas à frissonner. En effet après plus d’une année de teasing, et 3 EP qui ensemble sonnent comme un long prélude, Dinos nous annonce, ce vendredi 4 novembre, la sortie de son quatrième album « Hiver à Paris ». Au fil des 21 morceaux qui composent le disque, le rappeur originaire de la cité des Quatre Mille en Seine Saint-Denis prouve plus que jamais qu’il est Parisien. Paradoxal vous nous direz, pourtant c’est à travers cette dualité entre Paris et sa périphérie que les morceaux de l’album trouvent leur rythme, et c’est par cet angle qu’il faut appréhender le projet.
On perçoit vite au long d’Hiver à Paris que c’est une question d’identité qui obsède Dinos. Très loin de dire que le rappeur ne sait pas qui il est, les 4 années qui nous séparent de son première album Imany ont largement su nous le prouver, mais disons plutôt que l’image forgée par le rappeur durant tout ce temps semble aujourd’hui se renouveler ou du moins se montrer sous un jour différent. Hiver à Paris expose un Dinos plus que jamais préoccupé par l’image qu’il renvoie, ne sachant comment conjuguer son passé de gamin des Quatre Milles, lié par le cœur à son quartier d’enfance de la Courneuve, avec celle d’une étoile montante du rap française qui vit dans la capitale. Comme il le dit lui-même : « je rêvais de quitter le quartier et remplir mes comptes, maintenant que je suis devenu un bobo j’crois que j’ai honte ».
Hiver à Paris déconstruit donc toute l’image de lui-même qu’avait construit Dinos, c’est un disque remplit d’honnêteté au sein duquel la plume affutée du rappeur retranscrit parfaitement ses interrogations, sa vision de l’authenticité, son affect pour les rives parisiennes qui, bien que faites de la même brique, incarnent à ses yeux deux mondes distincts. Les mélodies complexes sur lesquelles Dinos pose sa voix ne font que renforcer cet univers profond dans lequel il évolue. Des prods d’Amine Farsi, de FLEM, de Focus Beatz qui rendent aux mots du rappeur une sonorité unique, le tout afin d’embellir le message véhiculé, qui en ressort encore plus fracassant.
Hiver à Paris est donc un condensé de vérité, une heure de transparence où le voile de pudeur du rappeur s’envole progressivement pour faire apparaître la réalité du métier de rappeur, la fatigue, le snobisme, le disque de platine qui dort encore dans le papier bulle et les textes qui ne coïncident plus avec le quotidien du parisien.
Concernant la tracklist du disque, Dinos se paye le luxe de réunir à ses côtés une grosse partie des têtes d’affiches du rap français (Laylow, SCH, Hamza, Ninho). Mais en dehors des noms qu’on peut lire sur le dos du CD, on comprend rapidement que c’est un souci d’équilibre qui relie chacune des voix présentes sur l’album. Hiver à Paris est mariage entre des voix denses et opaques que l’on sait propres à Dinos, Sch ou encore Akhenaton, et des bulles de légèreté incarnées pas les vocalises de Lassopardo et Lous and The Yakuza. Plomb et plumes, ombre et lumière, toutes les voix présentes sur cet album ont été calculées au millimètre près, et contribuent à un équilibre parfait qui rend le disque unique.
Dinos annonce dans le morceau Simyaci : « y’aura surement de la neige vers mi-novembre ». Ce vendredi 4 novembre nous voilà convaincu, quand Dinos chante son authenticité, ses mots sont des flocons et sa musique une neige qui tombe froide et brûlante. C’est quand il parle de ce qui le constitue réellement que le rappeur parisien se montre le plus complexe et réussit presque par magie à capter tout ce qui l’entoure pour le traduire dans un album touchant et terriblement technique. Le rap de Dinos est une neige noircie par l’existence qui, en fondant, avale tout ce qui passe sur sa route pour devenir un filet d’eau pure, qui s’assombrit en s’écoulant. Comme la neige d’un hiver sur le sol Parisien.